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Entretien avec Ed Nouce

(31 mars 2014)

 

 – Ed Nouce, bonjour.

D'abord une petite question sur votre prénom, si vous le permettez, Ed. Un peu intrigant, non ? Plutôt masculin et anglo-saxon ?

 

– Vous trouvez ?

En réalité, ce n'est pas du tout le cas : Ed, c'est tout simplement le diminutif d'Edmonde. Et Nouce ne me semble pas avoir la moindre connotation anglo-saxonne. Je suis belge et fière de l'être !

 

– Mais vous habitez la France, n'est-ce pas ?

 

– En effet, depuis l'an 2000, et je l'aime depuis toujours !

J'ai la chance d'avoir fait un mariage d'amour, avec un Français (belge par son père, du reste) que j'ai suivi dans les Hauts de France. Nous vivons en pleine campagne, dans une région vallonnée et au bord d'une charmante rivière.

 

– Vous êtes venue assez tard à l'écriture, si je peux me permettre...

 

– Exact ! C'est une de ces vocations tardives, comme il arrive parfois. Elle s'est imposée à moi, presque malgré moi, avec force. Mais je suppose que cela n'est pas un hasard : cela ne pouvait arriver qu'à une nouvelle étape de mon existence, lorsque soudain les circonstances ont fait que je dispose du temps et de la liberté nécessaires.

Vous savez, pour moi, écrire est un travail à plein temps. J'admire d'ailleurs mon mari qui admet cette addiction. Et non seulement il l'admet, mais il la soutient !

Assez parlé de moi ! Je trouve que la vie, et même la personnalité de l'auteur sont si accessoires... insignifiantes même.

 

– "L'ennemi qui m'aimait", comment vous est venue l'idée de ce roman, et pourquoi un roman historique sur fond de Seconde guerre mondiale ?

 

– Pourquoi pas ? – Non, c'est une mauvaise réponse, je sais !

Je n'avais au départ que l'idée d'un thème : l'amour entre ennemis, et partant de là, le cadre de la Seconde guerre mondiale est venu naturellement. C'est le seul que je connaisse un peu, parce que mes propres parents l'ont vécue, quoiqu'ils en parlassent rarement ; et parce que je m'y étais relativement intéressée auparavant.

Ce conflit reste proche de nous, ne serait-ce que par les nombreux films ou téléfilms que nous avons tous vus et que l'on continue à tourner sans relâche. Pensez au "Village français", cette série devenue culte et dont on réalise chaque année une nouvelle saison.

Plus encore parce que, me semble-t-il, cette guerre, et l'Holocauste de manière particulièrement éminente et tragique, a marqué la conscience collective, et que ses conséquences ont façonné notre monde et surtout l'Europe. Et elles se font toujours sentir aujourd'hui. 

 

– À part son cadre historique, ce roman s'inspire-t-il de la réalité, je veux dire, vos héros sont-ils vraiment issus de votre imagination ?

 

– Mes propres personnages sont totalement imaginaires. J'espère bien sûr qu'ils sont crédibles et...

 

– Justement, ils sont si vivants, que je me demandais si vous vous étiez inspirée peu ou prou de personnes ayant existé !

 

– La réponse est clairement non. Ce qui m'intéresse, c'est vraiment de créer des personnages presque de toutes pièces.

Bien sûr, l'auteur n'est pas Dieu et ne crée jamais à partir de rien. Certains détails sont la matière de l'imagination. Mais c'est beaucoup plus le cas pour les lieux ou les paysages que pour les personnages. Quant à ce qui leur arrive, cela n'a vraiment (et heureusement pour moi !) rien à voir avec ma propre vie !

 

– Pourtant, Rossberg-sur-Ahr, le village de Rhénanie palatine dont votre héros, Manfred, est originaire, je ne l'ai trouvé sur aucune carte. Pas plus que cette avenue de l'Eau Blanche à Schaerbeek, où habite votre héroïne, Hélène le Vaneau.

 

– C'est vrai, j'ai un peu modifié ces noms de lieu, sans raison impérieuse, d'ailleurs. Peut-être pour me laisser là aussi davantage de liberté ? Ces endroits que j'ai, eux, effectivement connus, ma mémoire et mon imagination les recréent, parfois les déforment. On ne pourra pas s'en offusquer, puisque je les ai rebaptisés.

Ceci dit, je crois que la localisation de Rossberg et le nom de « l'Eau Blanche » sont assez transparents pour qui veut les entendre. Et ce ne sont à nouveau que des détails.

 

– Il y a un troisième personnage principal dans votre roman, c'est le fameux Britannique Horace Smoke-Finch. Comment avez-vous eu l'idée de ce troisième larron, qui vient mettre pas mal de piment à votre trame ?

 

– Eh bien, je n'en sais rien ! Il est arrivé tout naturellement, presque de lui-même et malgré moi. Vous savez, quand je commence un roman, j'ai bien une idée de départ, mais ensuite, les événements s'enchaînent, acquièrent en quelque sorte leur propre logique interne et me mènent littéralement. Idem pour les personnages. Horace est « arrivé » par nécessité, pour  « réceptionner » Hélène le Vaneau à Londres. Et ensuite il s'est imposé et s'est révélé, comme de lui-même. Cela peut paraître étrange, mais c'est ainsi que cela fonctionne chez moi.

 

– Ed Nouce, je sais que c'est une question bateau, mais pourquoi et pour qui écrivez-vous ?

Pour vous ? Pour le lecteur ?

 

– Olivier, je crois qu'on écrit d'abord pour soi. Par une sorte de nécessité intérieure, assez mystérieuse.

Mais on écrit aussi (et je pense que les deux nécessités sont intrinsèques à l'acte d'écrire) pour les autres, pour LE LECTEUR. Car si l'auteur crée, le lecteur recrée, et c'est lui seul qui donne VIE à l’œuvre, quelle que soit du reste l'envergure ou la non-envergure de celle-ci !

 

– « L'ennemi qui m'aimait » est publié depuis fort peu de temps. Avez-vous déjà reçu des échos de lecteurs ?

 

– Oui, d'abord de mes relecteurs, qui ont été évidemment mes tout premiers lecteurs. Et maintenant cela commence à venir des autres : les très rapides, en effet, puisque le roman vient à peine de sortir !

Et c'est un sentiment vraiment unique que de découvrir cette vie, dont je viens de parler, que donne le lecteur, justement. Il réinvente vos mots, il est touché, il réagit, c'est merveilleux... Et tellement inattendu !

 

– Vous avez deux autres romans terminés et en attente d'être publiés, n'est-ce pas ? C'est pour bientôt ?

 

– Oui, mais il faut laisser au lecteur le loisir de lire le premier, qui fait tout de même 550 pages !

 

– Vos romans forment une saga familiale, ils se suivent, c'est ce que vous voulez dire ?

 

– Certes, même si chacun peut aussi se lire de manière indépendante et se suffit à lui-même...

Ah oui, saga « familiale », ce n'est pas mal dit, même si le second, Le Chêne rose, est centré sur le personnage d'Horace Smoke-Finch, qui n'appartient pas stricto sensu à la famille de Manfred. Mais c'est en quelque sorte sa famille d'adoption, dont il est d'ailleurs constamment question également.

 

– De ces trois romans, le seul marqué historique  est « L'ennemi qui m'aimait », les suivants ne le sont plus ?

 

– Non, ils s'inscrivent certes dans les années qui suivent la guerre, et on peut en passant y évoquer certains événements de la deuxième moitié du vingtième siècle, mais vraiment de manière marginale.

 

– De ces trois romans, lequel est selon vous, Ed Nouce, le meilleur, ou votre préféré ?

 

– Aucun des trois !

Le meilleur est évidemment celui que je suis en train d'écrire actuellement !

 

– On peut savoir son sujet ?

 

– Je suis vraiment au tout début, mais nous sommes encore en compagnie de la famille Kuhn, et dans les années 1970.

 

– Comment jugez-vous "L'ennemi qui m'aimait" ?

 

– Vous y tenez ! Je crois que l'auteur n'est pas bon juge... on ne peut être juge et partie, n'est-ce pas.

C'est un premier roman, il comporte des maladresses. Il y a des moments qui ne sont pas mal. Heureusement !

 

– D'où vous vient votre style, particulier et poétique ?

 

– Merci ! Chaque auteur a son style. Après (ou plutôt, avant), c'est surtout beaucoup de travail et de rigueur.

 

Les dialogues tiennent une place importante dans votre récit. C'est peu courant dans la littérature contemporaine.  Pourquoi cette importance ? Et quel est votre secret pour en écrire d'aussi naturels, et en même temps profonds ?

 

– C'est gentil, mais il n'y a là aucun secret. À nouveau, juste du travail, et laisser parler ses personnages, ne pas parler soi-même !

Ce que j'aime dans les dialogues, c'est qu'ils laissent le lecteur libre d'entendre par lui-même, de comprendre, d'interpréter. Je ne décris pas la scène (ou très peu), je laisse le lecteur écouter les personnages et se forger sa propre opinion.

 

 

– Merci, Ed Nouce, et à bientôt !

 

 

– Merci à vous, Olivier !

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