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Dernier opus paru :

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Conc. en la m. op. 54 1er mvmt-Rami Bar-Niv-Jerus. Symphony Orchestra-Mendi RodanRobert Schumann
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Ancre 2

« Les quatre mains de Manfred »

(1975-1980)

L'homme sombre est muré en lui-même.

Qui réussira à ouvrir une brèche ?

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Nouvelle couverture numérique

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Sixième époque de la saga

« La vie nous revient de l'aurore »

Accrochez bien vos cœurs : immersion complète dans une histoire simple, prétendument. De féminisme, de maternité et de paternité désirées ou non, d’enfances heureuses ou problématiques, de droit de garde…

Comme souvent chez Ed Nouce, le lecteur reçoit les clés du tréfonds de l’âme de personnages complexes et attachants. Mais l’originalité de ce roman-ci, et le tour de force, c’est que deux des premiers rôles sont tenus par un enfant de moins de cinq ans et par son grand-père, ancien colonel de l’Abwehr muré en lui-même et devenu muet à la suite d’un drame antérieur. La relation profonde entre ce garçonnet et Manfred (le grand-père) est un fil conducteur du livre. Chacun de ces deux êtres vit dans un monde singulier : l’un de par son très jeune âge et sa sensibilité, l’autre de par son état psychologique. Deux mondes a priori si opposés, qui vont pourtant communiquer de manière intime.

Et lorsque le père jusque-là absent intervient ?

Coup de tonnerre ! Il appartient lui aussi à un autre monde, au sens géographique et idéologique…

 

Dans ce sixième roman de la saga d’Ed Nouce, les fidèles lecteurs et les nouveaux retrouveront ou découvriront avec délectation le style et l’univers de l’auteur grâce à un récit intimiste, inattendu, plein de poésie et de musique, mais aussi de suspense, historiquement situé, qui tient en haleine jusqu’à l’épilogue y compris.

Nul besoin d’avoir lu les précédents volumes pour suivre.

Et vibrer.

Extraits du livre :

Sapristi, déjà un quart d’heure que Queue-de-cheval a pénétré dans l’antre de ce médecin et de son équipe pluridisciplinaire ! Elle risque d’en sortir d’une minute à l’autre, et ce sera mon tour.

Je me sens de plus en plus mal. Une boule grossit dans mon estomac, monte toujours plus haut, jusqu’à la gorge. Obstruante, insupportable. Si j’avais à parler, je serais bien incapable de prononcer quoi que ce soit.

Il faut arrêter cela. Tout de suite.

Je me lève.

Je n’ose pas même un regard pour mes sœurs en maternité non désirée, et je me précipite vers la sortie aussi vite que je le peux, sans trouver ni le courage, ni la franchise de courir.

Je me sens lâche et bête, là, maintenant dehors, sur le trottoir devant la vitrine opaque marquée « planning familial ». Mais la boule a miraculeusement disparu.

J’ai la sensation de flotter, d’avoir échappé à un mortel danger.

Ce n’est que tromperie ! Impression engendrée par une peur instinctive, irrationnelle. Une réaction stupide et couarde ! Soulagée de quoi, puisque je n’ai rien fait, que fuir, que postposer le problème ?

Je marche d’un bon pas vers la gare maritime. Comme un automate. La tête vide.

J’y pénètre, toujours sans réfléchir, et je prends un billet pour le prochain ferry.

Juillet est devenu tiède. Une brise légère se lève sur Calais. Je goûte le sel sur mes lèvres. Des mouettes me claquent leurs abois rauques et stridents. Au lieu de me déchirer le cœur en même temps que les tympans, c’est un hymne sauvage et libre que mon âme reçoit comme l’écho inattendu d’elle-même.

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Mêlé au chant des oiseaux et au bruissement de la forêt, vos oreilles capteront bientôt un murmure qui ira crescendo : la mélodie de l’Ahr qui court dans sa vallée. Voilà, vous y êtes ! Maintenant contentez-vous de suivre la rivière. Prenez garde aux aulnes et aux saules languissant sur ses berges, parfois carrément dans la rivière pour ce qui est des aulnes. Leur mélancolique tendresse pourrait vous entraîner dans les tréfonds du romantisme allemand. Ne vous laissez pas abuser par ces lieux enchantés. Osez tout de même un arrêt sur le pont de bois et comptez les truites à travers l’eau limpide. Quand vous en aurez trente, repartez. Un peu plus loin, vous débouchez sur une clairière où gronde une fiérote petite cascade de rien du tout. Asseyez-vous sur un des deux bancs de pierre en contre-haut de la rivière, si le cœur vous en dit. Moi, j’accroche solidement le mien avant de m’installer sur celui de gauche, où, il y a déjà près de trois ans, l’être que j’aimais le plus au monde a rendu son âme à Dieu .

Cinq minutes, c’est bien. Ensuite, descendez vous allonger au plus près de l’Ahr, sur la petite plage. Là, impossible de résister, si vous aimez l’eau : allez-y, baignez-vous donc dans la cascatelle, asseyez-vous en son milieu, laissez l’eau vive vous fouetter le dos et vous rappeler à la vie, à la joie, à la beauté, à l’instant présent qui est peut-être la seule intuition que nous puissions connaître de l’éternité. C’est ce qu’elle disait, et c’est ce que je sens, ici comme nulle part ailleurs…

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.../...

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Une fois devant le salon de musique, Simon trouve la porte entrebâillée et se faufile à l’intérieur de la pièce. Jusqu’ici, il avait pris soin de ne pas faire trop de bruit, mais là, maintenant, alors qu’il aperçoit les dos de Fortinbras et de grand-papa assis devant le piano qui fait de la musique, il n’y tient plus, oublie les consignes et hurle un joyeux « Coucou ! » aussi fort qu’il le peut. Il est d’autant plus satisfait de sa bonne blague que Tintin sursaute violemment. Simon court alors vers le piano en riant. Son grand-père termine rapidement le thème sur un accord improvisé avant d’arrêter de jouer. Quant à Fortinbras, il lance un regard assassin au bébé et lui jette :

— Enfin, Simon ! Tu as interrompu grand-papa ! Il jouait Beethoven ! Beethoven !

Sans se formaliser le moins du monde de l’ire de son cousin, et encore moins du crime de lèse-Beethoven, le bambin escalade les genoux de l’homme sombre dont le visage demeure parfaitement inexpressif. Il aide néanmoins le petit et se laisse planter un baiser mouillé sur la joue. Simon redescend aussi vite qu’il était monté et se met à caresser le chien sagement couché près de son maître.

Fortinbras décide d’agir. S’il veut que grand-papa recommence à jouer, il n’y a pas trente-six solutions.

 — Viens avec moi, Simon. Je vais te ramener près d’Outch. Tu pourras crier autant que tu veux et tu t’amuseras beaucoup mieux qu’ici.

— Z’ai pas envie.

— Je te prêterai mon camion de pompier pour jouer. Donne-moi la main. — Je reviens dans cinq minutes, grand-papa.

Fortinbras ferme soigneusement la porte et tire le plus petit vers la cuisine.

— Pourquoi grand-papa y répond zamais, Tintin ?

— Il n’en a pas besoin.

— Est-ce qu’il sait pas parler ?

— Bien sûr que si, qu’il sait parler ! Tu n’as pas entendu ses mains ?

Simon doit digérer la réponse, effort intellectuel qui le ralentit dans sa marche. Il résiste à la traction de son cousin, tel un poids mort, jusqu’à ce que les deux gamins se retrouvent près du téléphone.

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.../...

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Le général interrompt Lunkov et le ton monte, du moins de la part du premier. Il hurle plusieurs phrases en russe. Horace ne connaît que des rudiments de la langue de Tolstoï, assez néanmoins pour saisir que l’ambassadeur se fait copieusement insulter. Il repère les mots sobaka (chien), bourjoui (bourgeois) et intelligentsia vchivaïa (intelligentsia pouilleuse), mêlés à d’autres expressions nettement plus grossières. Quant à l’ambassadeur, sans se départir de son onction et de son admirable calme diplomatiques, il reprend poliment la langue de Goethe, bien connue de l’un comme de l’autre de ses deux hôtes, et amorce une réponse apaisante.

— Je suis convaincu, cher camarade General mayor, qu’une discussion avec lord Smoke-Finch se révélera plus profitable encore que si vous aviez pu rencontrer…

Mais Bykov le coupe derechef et se remet à l’agonir d’injures en aboyant encore plus fort. Cette fois l’ambassadeur bat en retraite et quitte la pièce, abandonnant son hôte à la colère et à la mauvaise éducation du général. Silencieux et impavide durant toute cette fracassante entrée en matière, Horace est resté debout et plonge maintenant son regard bleu ciel dans les yeux translucides de la furie soviétique qui ne fait pas mine de lui tendre la main.

— Je suis absolument désolé que vous n’ayez pas été prévenu que je représenterais Téri Kuhn, Général, croyez-le bien…

— Je n’en crois pas un mot, Colonel Smoke-Finch. Mais ce n’est pas après vous que j’en ai le plus. Ces chiens de diplomates de mes deux sont plus faux que les jetons des tricheurs professionnels de cette abomination capitaliste décadente qui a nom Las Vegas…

— Que voulez-vous, Général, les diplomates sont dans leur rôle.

— Alors, la Téri, elle craint de me revoir, c’est cela ? Elle envoie un vieil homme à sa place ? En voilà un beau courage de sa part !

— Je suis en effet un vieillard, nul n’en disconviendra, Général, mais je ne suis point sourd. Vous n’avez nul besoin de vous égosiller ainsi.

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Là, dans son avion privé qui l’emporte vers la Rhénanie palatine, tassé dans son fauteuil de cuir, Horace Smoke-Finch ne s’est jamais senti aussi vieux, aussi inutile, aussi inefficace. De noires pensées le submergent, où se mêlent l’amer souvenir de Fulbert Fontane de Langes, la tristesse de revoir à nouveau un Manfred Kuhn diminué, et la conscience cruelle de ses innombrables fautes, erreurs et manques. Voilà, c’est le dernier acte, il touche à la fin d’une vie scandaleusement privilégiée, où il a trop reçu et si peu donné, où il n’aura pas su aimer comme il l’aurait voulu, comme il aurait dû.

— Damned, Hélène, ma petite jumelle, pourquoi diable nous avez-vous quittés si vite ?

Aujourd’hui, vous me manquez tant, Milady !

Votre rire qui emportait tout, votre franc-parler, votre âme altière et généreuse, votre courage et votre merveilleux amour de la vie ! Vous auriez trouvé les mots pour ramener votre fille à la raison, et pour me secouer, moi ! Et surtout, j’en suis certain, vous auriez pu sortir votre Manfred de la prison intérieure où, à mon estime, il s’est lui-même muré.

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Il faut qu’il en ait le cœur net. Il sort dans le jardin et fait le tour du chalet pour accéder aux fenêtres du salon de musique. Elles sont fermées, et les rideaux soigneusement tirés. Il a l’air malin, en train d’essayer d’espionner son propre père ! Néanmoins, il tente encore de pousser doucement la première fenêtre, au cas où elle ne serait pas hermétiquement close. En vain. Puis la seconde...  qui cède et qu’il réussit à entrouvrir. La musique lui saute aux oreilles, et aussi au cœur. Mais cela ne lui suffit pas. Il veut voir ce qu’il suspecte, refusant d’y croire avant de l’avoir constaté de visu. Comme Saint Thomas.

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